Extrait dexte d'Aurélie Barnier pour le catalogue :
Dans
les œuvres de Nicolas Aiello, le temps rétrospectif et introspectif
d’une mémoire de l’intime se déploie à partir d’archives
d’une histoire familiale autant qu’universelle ou suivant les
pérégrinations de l’artiste. Recto
& verso (2016)
associe les archives de ses grands-parents, entre 1915 et 2002, et
leurs contextes politiques, retraçant une certaine histoire de
France. Dans les verso
présentés sous forme d’affiche et dans le diaporama des recto,
l’histoire personnelle
se dessine de portraits de famille en épisodes marquants de la vie
d’un couple (vacances
au camping, accès à un
logement social ou
naissances) et suivant la
transformation de l’écriture de la grand-mère de l’artiste les
ayant annotés. S’y mêle la grande histoire avec un faux Ausweis,
une convocation au procès des soldats du camp du Struthof1,
des cartes de membres du PCF ou des documents relatifs au Complot des
pigeons en 19522.
En contrepoint se lit aussi une histoire de la photographie, des
tampons de studio aux films Kodak, du noir et blanc à la couleur ou
des tirages aux bords dentelés aux polaroïds. Cherchant à
valoriser les contours et
leur usure comme à
conférer un caractère graphique à la composition, N. Aiello
numérise les images sur
fond noir, ménageant ainsi des blancs, essentiels en tant qu’ils
offrent un espace à l’imagination du regardeur. Dans cette
installation conçue sur cinq ans est aussi intégrée une archive de
l’artiste datant de ses études : une vidéo de sa grand-mère
manipulant la boîte dans laquelle étaient conservées ses
photographies. Ces trois points de vue incarnent l’œuvre du temps
sur nos souvenirs, permettant à chacun de projeter ces archives dans
son présent et vers l’avenir.
La série de 25 dessins intitulée Berlin (2009) et son pendant, Neige (2010), dessin animé les diffusant en boucle3, ont pour origine la réécriture exacte de prospectus publicitaires trouvés lors d’un séjour en Allemagne. Ils n’ont ni début ni fin, une ligne temporelle continue allant des dessins à la vidéo et vice et versa. Le temps est ici évoqué par le rythme, N. Aiello revendiquant l’influence de Paul Klee. Il souligne aussi un rapport au corps, un aspect physique du dessin à travers l’écriture automatique qui prend parfois naturellement le relai de la copie. Si la méthode processuelle se réfère à Roman Opalka notamment, la part belle est laissée à l’accident, telle une tache d’encre qui, apparaissant à intervalle non régulier dans la vidéo, vient en perturber et ponctuer la lecture. À rebours de ces écritures devenues images, Montreuil-Juvisy A/R (2017) est une intervention in situ composée d’images converties en écritures : deux lignes de 1000 photographies (prises avec un téléphone mobile durant le trajet aller-retour de l’atelier de l’artiste à l’Espace d’art) se déploient sur les baies de la galerie, chacune ayant été vectorisée dans un format texte. Enregistrement d’une géographie parcourue et du temps passé à son exploration, cette pièce, visible depuis la rue, est pensée comme une écriture de paysage, la restitution d’une balade4.
Elle fait écho à Melancholia (2016), dessin non plus fondé sur l’écriture mais une composition de points au grain infiniment variable notant le temps qui défile, à l’instar du paysage sous les yeux du voyageur. Pour cette cartographie du temps, il a travaillé à partir de sa propre mémoire, se fixant comme souvent sur le souvenir d’œuvres de musées, ici une fameuse gravure de Dürer5 dont il n’a retenu qu’un éclat de lumière – une mélancolie plutôt gaie – un point de départ, « quelque chose plutôt que rien ». Ce grand dessin entretient également un lien, sur le fond et la trame, avec des photographies de chiffons imbibés de l’encre essuyée sur les plaques de cuivre utilisées pour la réalisation de sérigraphies. Archives de travail, ces imprégnations de mémoire sont devenues œuvres (Chiffon, 2017).
N. Aiello lutte ainsi tout de go contre l’oubli, et pour l’oubli de détails – ses œuvres recelant un caractère volontairement fragmentaire – qui seul permet d’accéder à une mémoire collective.
La série de 25 dessins intitulée Berlin (2009) et son pendant, Neige (2010), dessin animé les diffusant en boucle3, ont pour origine la réécriture exacte de prospectus publicitaires trouvés lors d’un séjour en Allemagne. Ils n’ont ni début ni fin, une ligne temporelle continue allant des dessins à la vidéo et vice et versa. Le temps est ici évoqué par le rythme, N. Aiello revendiquant l’influence de Paul Klee. Il souligne aussi un rapport au corps, un aspect physique du dessin à travers l’écriture automatique qui prend parfois naturellement le relai de la copie. Si la méthode processuelle se réfère à Roman Opalka notamment, la part belle est laissée à l’accident, telle une tache d’encre qui, apparaissant à intervalle non régulier dans la vidéo, vient en perturber et ponctuer la lecture. À rebours de ces écritures devenues images, Montreuil-Juvisy A/R (2017) est une intervention in situ composée d’images converties en écritures : deux lignes de 1000 photographies (prises avec un téléphone mobile durant le trajet aller-retour de l’atelier de l’artiste à l’Espace d’art) se déploient sur les baies de la galerie, chacune ayant été vectorisée dans un format texte. Enregistrement d’une géographie parcourue et du temps passé à son exploration, cette pièce, visible depuis la rue, est pensée comme une écriture de paysage, la restitution d’une balade4.
Elle fait écho à Melancholia (2016), dessin non plus fondé sur l’écriture mais une composition de points au grain infiniment variable notant le temps qui défile, à l’instar du paysage sous les yeux du voyageur. Pour cette cartographie du temps, il a travaillé à partir de sa propre mémoire, se fixant comme souvent sur le souvenir d’œuvres de musées, ici une fameuse gravure de Dürer5 dont il n’a retenu qu’un éclat de lumière – une mélancolie plutôt gaie – un point de départ, « quelque chose plutôt que rien ». Ce grand dessin entretient également un lien, sur le fond et la trame, avec des photographies de chiffons imbibés de l’encre essuyée sur les plaques de cuivre utilisées pour la réalisation de sérigraphies. Archives de travail, ces imprégnations de mémoire sont devenues œuvres (Chiffon, 2017).
N. Aiello lutte ainsi tout de go contre l’oubli, et pour l’oubli de détails – ses œuvres recelant un caractère volontairement fragmentaire – qui seul permet d’accéder à une mémoire collective.
2
Jacques Duclos, alors dirigeant du PCF, est arrêté en mai 1952
avec son chauffeur, le grand-père de N. Aiello, pour atteinte à la
sûreté de l’État,
les pigeons contenus dans sa voiture ayant été soupçonnés de
transmettre des informations à l’ennemi, alors qu’ils étaient
en réalité destinés à sa consommation personnelle…
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